Suite à la mort de George Floyd et face aux nombreuses manifestations contre le racisme et les violences policières aux États-Unis, Adam Echelman, directeur de notre association américaine Libraries Without Borders, et Patrick Weil, président de Bibliothèques Sans Frontières, ont écrit ce texte sur le rôle essentiel de l’accès à l’information et à l’éducation comme pierre angulaire de la démocratie.
« Nous pleurons aujourd’hui la mort de George Floyd, de Breonna Taylor, d’Ahmaud Arbery, de Tony McDade et celle de bien d’autres avant eux.
Confrontés aux récents et tragiques événements ainsi qu’au racisme systémique aux États-Unis, nous pleurons celles et ceux dont la vie a été brisée par la brutalité policière et sommes solidaires de celles et ceux qui luttent contre ces injustices. Mais nous devons aller plus loin. Nous devons également penser au-delà de la seule préservation de la vie. Il a fallu un siècle pour que la Déclaration d’indépendance, qui proclamait que tous les hommes étaient égaux, soit ratifiée par le quatorzième amendement de la Constitution, qui assure l’égale protection de la loi. Pourtant, notre pays reste “racialement” divisé entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas : ceux dont la vie et les droits proclamés sont protégés et respectés et ceux dont la vie et les droits sont bafoués.
L’accès à l’information est un droit fondamental de l’être humain et une pierre angulaire de la démocratie. Il est tout aussi essentiel que l’accès aux besoins fondamentaux, à la nourriture, au logement et aux soins. Pourtant, des siècles de racisme ont produit un système où des millions d’Américains ne sont aujourd’hui pas capables de lire, d’écrire ou d’utiliser les outils numériques de base. Beaucoup n’ont toujours pas accès aux livres, aux ordinateurs et aux cours qui leur permettraient d’acquérir les compétences nécessaires au quotidien. Nous ne pouvons accepter une société où l’accès au savoir dépend de la couleur de peau.
Black Lives Matter. Qu’ils disposent des mêmes chances et des mêmes opportunités que tout autre individu est essentiel ! Et par là, les mêmes moyens d’accès à l’éducation et au numérique. C’est pourquoi en 2016, nous avons créé le programme Wash & Learn et transformé plusieurs laveries automatiques du pays en bibliothèques. Cette initiative permet notamment aux habitants des quartiers défavorisés, aux revenus peu élevés, d’accéder à un certain nombre de livres, d’ordinateurs portables, de tablettes et de ressources numériques, en attendant leur linge. Quatre ans plus tard, le programme ne cesse de se développer et plusieurs villes ont accueilli l’initiative : Detroit, Baltimore, Oakland et San Antonio.
Nous ne sommes pas les seuls à partager cette vision et à travailler dans ce sens. De nombreuses bibliothèques publiques aux États-Unis mettent à disposition des livres, des films et organisent des ateliers d’alphabétisation auprès de ces différents publics, favorisent l’apprentissage et s’attaquent à la question de la suprématie blanche. Des organisations comme le Detroit Community Technology Project ont piloté des projets innovants qui mettent la technologie au coeur et au service des communautés. Des personnes telles que les gérants de la laverie automatique Family Laundry à Oakland, en Californie, nous démontrent chaque jour comment les habitants du quartier peuvent se mobiliser pour leur propre sécurité tout en promouvant l’éducation. La liste est longue, tout comme les défis à relever.
« Nous vivons une époque très dangereuse », écrivait James Baldwin en 1963, quelques mois seulement après l’attentat à la bombe contre l’église de Birmingham et l’assassinat de Medgar Evers. Mais c’est par l’éducation, expliquait-il, que nous changerons ces conditions. Ces mots sonnent juste aujourd’hui. Travaillons donc ensemble pour construire une société où l’accès à l’information et à l’éducation n’est pas déterminé par la “race”, l’ethnicité ou l’identité. Ensemble, nous construirons alors une démocratie plus forte et plus inclusive.
Soyons solidaires,
Adam Echelman, directeur de Libraries Without Borders
& Patrick Weil, Président de Bibliothèques Sans Frontières »
Une traduction de Preamoney Tan