Ciné-club en Tanzanie
Projets - 19 novembre 2019

Tanzanie : un ciné-club pour « oublier le quotidien » des camps de réfugiés

En Tanzanie, près de 320 000 réfugiés – principalement originaires du Burundi et de la République démocratique du Congo – vivent aujourd’hui dans les camps de Nyarugusu, Nduta et Mtendeli, dans la région de Kigoma. Dans chacun d’entre eux, une Ideas Box a été installée avec Save the Children et Plan International, dont les équipes ont été formées à son utilisation et à la médiation.

Alors que certains réfugiés préfèrent les ateliers de lecture – pouvant trouver des contes et des histoires dans leur langue locale, le kirundi – d’autres veulent apprendre à utiliser les ordinateurs. Parfois, des initiatives se lancent : Leyre, coordinatrice des projets en Afrique des Grands Lacs, raconte la création d’un ciné-club dans le camp de Nduta, où vivent 80 000 réfugiés.

Lorsque Leonora est arrivée dans le camp de réfugiés de Nduta, en 2015, depuis le Burundi rural, elle n’avait jamais vu de film auparavant. Âgée de 64 ans, elle est aujourd’hui l’une des habituées les plus fidèles des séances matinales de l’Ideas Box et encourage chaque jour d’autres mères et personnes âgées à rejoindre le ciné-club :

« Ce qui m’intéresse le plus, ce sont les documentaires sur l’évolution de l’humanité : comment ils vivaient à une autre époque, comment ils s’habillaient ou ne s’habillaient pas, car certains étaient nus. J’aimerais en apprendre davantage sur d’autres cultures. »

Ce club a été créé cet été par Kudra, réfugié burundais, ancien tailleur de Bujumbura et maintenant animateur au sein de l’Ideas Box. Celui-ci commença timidement avec la projection de films sélectionnés par nos équipes : il compte aujourd’hui plus de 10 000 membres, principalement des personnes âgées et des femmes avec leurs jeunes enfants.

« J’ai dû m’organiser et former plusieurs groupes, dit-il. Il y en a plus de trente aujourd’hui, qui peuvent aller au cinéma une fois tous les deux ou trois mois. Je n’ai pas la capacité de les accueillir tous en même temps. »

File d'attente devant le ciné-club en Tanzanie

Il est neuf heures ce matin de novembre et déjà une longue file de femmes avec leurs bébés, personnes âgées et personnes handicapées attendent que les portes du cinéma s’ouvrent.

« Je suis aveugle mais le simple fait d’être ici, d’écouter les histoires et de me détendre me fait oublier notre quotidien », explique l’un des participants.

Leocadie vit dans le camp de Nduta avec ses six enfants. Après avoir perdu plusieurs membres de sa famille, elle revient sur son traumatisme psychologique.

« J’ai eu de fréquents épisodes d’amnésie et de fortes crises d’angoisse face à l’idée d’être expulsée du camp et de devoir revivre ce qui m’est arrivé, confie-t-elle. Les séances de cinéma de l’Ideas Box m’aident à oublier mes peurs. Voir des histoires de personnes qui ont surmonté leurs problèmes m’aide à réfléchir, même si je ne comprends pas toujours ce qu’ils disent. »

L’ambiance du cinéma est magnétique : les gens rient, jouent et se détendent.

« Dans le camp, on ne peut rien cultiver, nous n’avons pas de terre pour planter. On ne peut rien faire, on souffre. Le cinéma nous occupe et nous aide à apprendre d’autres choses. » nous avoue un homme, la cinquantaine passée.

La plupart de ces cinéphiles sont analphabètes, ne sont jamais allés à l’école et ne parlent que le kirundi. Beaucoup de films sont en français, en anglais et parfois en swahili, ce qui les rendent parfois difficiles à comprendre. C’est pourquoi Kudra, animateur de l’Ideas Box et toujours enthousiaste, fait office d’interprète :

« J’aime rechercher des vidéos, des sketchs ou des reportages qui abordent les relations humaines, la conciliation, l’éducation ou même la vie en couple. À la fin de la projection, nous avons toujours un débat. Ces films et les moments de partage qu’ils suscitent nous aident à réfléchir sur le passé et nous permettent d’affronter l’avenir. »

Un texte de Leyre Gil-pedromingo

Depuis 2007, Bibliothèques Sans Frontières agit sans relâche pour porter la connaissance à celles et ceux qui en sont privés – des camps de réfugiés au Bangladesh aux territoires ruraux en France – et faire du droit à la culture un droit fondamental de l’être humain. En treize ans, l’association a touché plus de six millions de personnes dans cinquante pays.

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